La sauvegarde de justice médicale
Souvent peu connue (ou assimilée par erreur à la sauvegarde de justice ordonnée par le juge des tutelles), la sauvegarde de justice médicale constitue une alternative légale permettant de protéger les intérêts d’une personne vulnérable ayant de graves problèmes de santé (temporaires ou durables).
Bien qu’il s’agisse d’une mesure de protection juridique, le juge des tutelles n'intervient pas pour sa mise en place. Nous avons donc fait le choix de la mentionner dans les alternatives légales à une mise sous protection « classique », telle que la sauvegarde de justice ordonnée par le juge, la curatelle ou la tutelle. Nous en reparlons dans notre page consacrée à la sauvegarde de justice (partie "Réglementation" du site).
Un médecin (voire deux) sont à l’initiative de sa demande qui peut être suggérée par la famille de l’adulte vulnérable, par ses proches ou par un tiers (par exemple, un service médico-social). Le procureur de la République valide, ensuite, cette demande si les éléments sont réunis et conformes.
La sauvegarde de justice médicale protège la personne des actes qu’elle aurait consentie de façon contraire à ses intérêts patrimoniaux (soit à son initiative, soit par l’influence de tiers abusant de sa vulnérabilité). Mais contrairemet à une idée parfois répandue, elle n'a pas d'incidence sur la prise en charge médicale de la personne qui en bénéficie (par exemple pour la contraindre à des soins).
La durée d'une sauvegarde de justice médicale est d'un an, avec la possibilité d'un renouvellement d'une autre année, au maximum.
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Le principe de la sauvegarde de justice médicale
La sauvegarde de justice médicale c’est quoi ?
Il s’agit d’une protection provisoire, qui laisse à la personne majeure sa capacité juridique et la libre gestion de ses intérêts patrimoniaux.
Toutefois, cette mesure protège la personne des actes qu’elle aurait inconsidérément réalisés (soit par l'annulation de ces actes, soit par leur ré-appréciation).
Elle ne contraint pas une personne à se soigner (c’est parfois ce que sa dénomination pourrait laisser sous-entendre alors que ce n’est pas le cas). Au sujet du refus de soins, vous pouvez consulter notre page Le signalement d'une situation de vulnérabilité > paragraphe "Refus de soins et signalement".
La sauvegarde médicale est prononcée à l’initiative d'un médecin :
- l’avis du médecin doit néanmoins être confirmée par un médecin psychiatre si le patient est accueilli dans une structure de soins non-psychiatriques
- si la personne est prise en charge dans un service de soins psychiatriques, l’avis de son médecin psychiatre suffit
Le juge de tutelles n’intervient pas pour sa mise en place.
La personne sous sauvegarde de justice médicale conserve sa capacité juridique à administrer ses intérêts comme elle l'entend.
Toutefois, si elle pose un acte qui n'est pas conforme à ses intérêts, cet acte peut être remis en cause par voie amiable, si cela est possible, ou sinon par voie judiciaire.
La sauvegarde de justice médicale est compatible avec l’aide que peut apporter un parent ou un proche dans le cadre de la gestion d'affaires et d’un système de procurations. Voire avec l’aide d’une personne de confiance si elle a été désignée par la personne accueillie dans un établissement social ou médico-social (un EHPAD par exemple).
A noter : il existe quelques exceptions au maintien de la pleine capacité juridique de la personne placée sous sauvegarde de justice médicale (cf. notre paragraphe de cette même page sur « Les effets de la sauvegarde de justice médicale »).
Qui peut être concerné par une sauvegarde de justice médicale ?
La sauvegarde de justice médicale concerne des adultes très vulnérables rencontrant de graves problèmes de santé, temporaires ou durables.
Ces problèmes altèrent leurs facultés mentales et/ou leurs facultés corporelles empêchant l’expression de leur volonté :
- soit pour des raisons physiques : par exemple, séquelles de traumatismes crâniens ou d’AVC, coma…
- soit pour des raisons psychiques : par exemple, troubles aigus sur le plan psychiatrique, accentuation des troubles de la mémoire pour une personne âgée…
La sauvegarde de justice médicale peut être prononcée dans l'urgence :
- si la personne malade n’est plus à même de gérer ses propres intérêts
- si elle s’expose à mettre ses intérêts en danger (soit par sa propre attitude, soit par celle de tiers qui profiteraient de sa situation de grande vulnérabilité). Par exemple, dons d’argent ou de biens, achats inconsidérés, contrat de prêt financier inopportun, détournements de ses fonds bancaires….
Sauvegarde de justice médicale ou sauvegarde de justice judiciaire ?
- la sauvegarde de justice médicale n’est pas une condition préalable à une demande de sauvegarde de justice décidée par le juge des tutelles (ou une demande de tutelle ou de curatelle), voire d'habilitation familiale ou entre époux
- c’est une alternative possible qui ne présume pas de la possibilité, ensuite, d’une mise sous protection juridique d’un adulte vulnérable
- son avantage est qu’elle peut être rapidement mise en place si les conditions médicales sont réunies et que le procureur de la République valide la demande
- son inconvénient, en cas de persistance des troubles, est qu’elle n’a pas d’effet d’assistance ou de représentation de la personne pour l’aider à faire valoir ses intérêts avec l’intervention d’un mandataire officiellement désigné (comme en curatelle ou en tutelle) ou, de façon alternative, en habilitation familiale ou entre époux
La sauvegarde de justice médicale, bon à savoir
Durée : la durée d'une sauvegarde de justice médicale est d'une année (sauf si l'état médical de la personne s'améliore et justifie son interruption). Elle peut être renouvelée, au maximum, une autre année par le médecin qui en donne l’information au procureur de la République.
Publicité : contrairement à une mesure de tutelle ou de curatelle, une mesure de sauvegarde de justice médicale ne fait pas l'objet d'une inscription dans le registre de l'état civil. Seul un répertoire est tenu par les services du procureur de la République. L'accès à ce répertoire est limité aux autorités judiciaires, aux proches de la personne placée sous sauvegarde de justice ou à des commissaire de justice, des avocats ou des notaires (sur demande motivée dans ces deux derniers cas). Pour rappel, c'est sur l'extrait de l'acte de naissance de la personne sous tutelle ou sous curatelle qu'apparaît la mention de sa mise sous protection juridique.
Coût d'une sauvegarde de justice médicale : elle est gratuite
Réception des courriers : la personne placée sous sauvegarde de justice médicale continue à recevoir directement ses courriers sauf si son état de santé ne le permet pas (un membre de sa famille ou un proche peut, par exemple, en prendre connaissance et faire en sorte de les traiter comme dans le cadre d'une gestion d'affaires, ou de procurations, voire en tant que personne de confiance si la personne placée sous sauvegarde de justice médicale l'a désigné dans le cadre d'un accueil en établissement ou d'un accompagnement par un service social ou médico-social).
Recours : la personne placée sous sauvegarde de justice médicale peut exercer un recours gracieux auprès du procureur de la République (dans le cadre d'une demande de radiation).
Absence de mandataire spécial : quand une sauvegarde de justice est prononcée par le juge des tutelles, il peut désigner un mandataire spécial pour la réalisation d’un certain nombres d’actes (voir notre page sur la sauvegarde de justice). En sauvegarde de justice médicale, cette possibilité n’existe pas.
La demande de sauvegarde de justice médicale
Le juge des tutelles n'intervient pas pour la mise en place d’une sauvegarde de justice médicale.
Un médecin (voire deux) et le procureur de la République sont les interlocuteurs de la demande.
Celle-ci peut être souhaitée par la famille ou les proches de la personne à protéger, également par un tiers (par exemple un service médico-social). Ils doivent s’adresser au médecin prenant en charge le patient pour faire valoir leur demande.
Ce médecin y donne suite ou non.
Le médecin peut également, à sa seule initiative, déclencher la mise sous sauvegarde de justice médicale de son patient (par exemple, un médecin psychiatre pour un patient hospitalisé dans sa structure de soins).
Deux options sont possibles pour la demande d'une sauvegarde de justice médicale et sa validation par le procureur de la République :
- un médecin traitant, un médecin spécialiste ou un médecin d’établissement (d'un hôpital non-psychiatrique ou d'hébergement) peuvent la demander, avec à l’appui, un certificat médical d’un médecin psychiatre (celui-ci attestant, soit de l’altération des facultés mentales de la personne à protéger, soit de l’altération de ses facultés corporelles empêchant l’expression de sa volonté conformément à l'article 425 du Code Civil).
- un médecin psychiatre doit la demander dès lors qu’il constate que le patient accueilli dans son établissement psychiatrique nécessite d’être protégé du fait de l’altération de ses facultés mentales (ou corporelles si elles empêchent l’expression de sa volonté).
Dans ces deux hypothèses, le médecin adresse ensuite sa demande de sauvegarde médicale au procureur de la République. Celui-ci l’enregistre si la procédure est conforme dans son déroulement et dans son contenu.
Les effets de la sauvegarde de justice médicale
La possibilité de réviser des actes en sauvegarde de justice médicale
Les actes passés par une personne sous sauvegarde de justice médicale sont, en principe, valables. La personne conserve sa pleine capacité juridique (à quelques exceptions précisées plus loin)
Par exemple, et si l’état de santé de la personne lui permet, acheter une voiture, vendre un bien, souscrire un contrat d’assurance-vie…).
Néanmoins, ces actes peuvent faire l'objet d'une remise en cause s'ils ne répondent pas aux intérêts de la personne, soit par voie amiable (par exemple, le vendeur d'une voiture accepte de reprendre son véhicule), soit par le biais d'une action judiciaire (par exemple, aller en justice pour contester la vente ou la donation d'un bien immobilier).
Dans le cas d'une action judiciaire :
- l'acte peut être annulé s'il est prouvé qu'il a été conclu sous l'empire d'un trouble mental (article 414-1 du Code Civil) ou si le contrat est manifestement déséquilibré et injuste pour la personne sous sauvegarde de justice (rescision pour lésion, selon l'article 435 du Code Civil), par exemple dans le cadre d'un abus de faiblesse ou entaché d'un vice de consentement.
- l'acte peut ré-apprécié, c'est à dire, faire l'objet d'une réduction pour excès (article 435 du Code Civil). L'acte en lui-même n'est pas remis en cause sur le fond, mais sur sa forme (par exemple, revoir de façon plus équilibré le montant d'une transaction pour la vente d'un bien)
A noter :
- sur le principe, seule la personne sous sauvegarde de justice médicale peut entamer une procédure en annulation, en rescision ou en réduction, ou ses héritiers (dans un délai maximum de cinq ans)
- cependant, si l'état de santé de la personne ne lui permet pas, de façon manifeste, d'entamer ce type de procédure, tout tiers peut signaler au procureur de la République un préjudice subi par une personne sous sauvegarde de justice médicale.
Les exceptions à la pleine capacité juridique en sauvegarde de justice médicale
Sur le principe général, la personne sous sauvegarde de justice médicale conserve sa pleine capacité juridique.
Toutefois, la loi restreint cette capacité juridique sur les quelques points suivants :
- l’impossibilité de faire une demande en divorce
- de vendre sa résidence principale (ou d’en rompre le bail locatif)
- d’être juré d’assises
- d’accepter des recherches bio-médicales et des prélèvements d’organes (dont les dons de sang).
Pour en savoir davantage sur la validité des actes en sauvegarde de justice médicale, vous pouvez vous reportez à nos pages-conseils sur les droits et responsabilités de la personne majeure protégée : les droits civils et civiques, les droits de la personne, les droits patrimoniaux, le domaine de la santé et la responsabilité civile et pénale (en cliquant sur "sauvegarde de justice" dans les tableaux proposés).
En résumé, et de façon non-exhaustive :
- droits civils : droit commun en dehors des demandes en divorce (article 249-3 du Code Civil)
- droits patrimoniaux : droit commun sauf pour le droit de disposer de son logement (vente ou rupture d'un bail locatif), l'autorisation du juge des tutelles est alors nécessaire (article 426 du Code Civil)
- droits civiques : droit commun (sauf pour être juré d'une cour d'assise, en application de l' article 256 du Code de Procédure Pénale)
- droits de la personne : droit commun (mais avec une interdiction pour les recherches bio-médicales > article 1121-2 du Code de la Santé Publique)
- responsabilité pénale : droit commun avec les dispositions relatives aux personnes majeures protégés (article 706-117 du Code de Procédure Pénale).
Fonctionnement bancaire en sauvegarde de justice médicale
Une mesure de sauvegarde de justice médicale n’a pas d’incidence sur le fonctionnement bancaire de la personne concernée (contrairement à une mesure de tutelle, de curatelle ou de sauvegarde de justice assortie d’un mandat de gestion des comptes).
La mesure de sauvegarde de justice médicale n’est pas mentionnée sur le libellé des comptes bancaires et des moyens de paiement.
La personne placée sous sauvegarde de justice médicale gère de façon autonome ses comptes bancaires.
La fin de la sauvegarde de justice médicale
La sauvegarde de justice médicale se termine :
- si le médecin atteste, auprès du procureur de la République, de la fin des troubles psychiques ou de la pathologie physique l'ayant motivée
- si une mesure de sauvegarde de justice ordonnée par le juge des tutelles (avec ou sans mandat spécial) est mise en place (ou une curatelle, une tutelle, une habilitation familiale générale ou une habilitation générale entre époux)
- si le recours formulé par la personne est accepté par le procureur de la République (radiation de la sauvegarde médicale)
- si le médecin n'en sollicite pas le renouvellement au terme de l'année écoulée ou si le délai maximum des deux années est atteint (après renouvellement)
- si la personne, qui en bénéficie, décède.
Textes de référence
Sur la sauvegarde de justice médicale : article L3211-6 du Code de la Santé Publique
Sur la procédure concernant la mise sous sauvegarde de justice (par un médecin ou par le juge des tutelles) : articles 1248 à 1251-2 du Code de Procédure Civile
Sur les actions en annulation, en rescision ou en réduction : article 435 du Code Civil
Sur l'impossibilité d'une personne sous sauvegarde de justice d'entamer une procédure en divorce : article 249-3 du Code Civil
Sur l'impossibilité d'une personne sous sauvegarde de justice de vendre son logement ou de résilier son bail locatif : article 426 du Code Civil
Sur l'impossibilité d'une personne sous sauvegarde de justice d'être juré en cours d'assise : article 256 du Code de Procédure Pénale
Sur l'interdiction des recherches bio-médicales en sauvegarde de justice : article L1122-2 du Code de la Santé Publique
Sur la fin de la sauvegarde de justice : article 439 du Code Civil
Sites Internet
Sur la sauvegarde de justice : service-public.fr
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