L’habilitation entre époux
Si un des époux se retrouve dans l'incapacité d'exprimer sa volonté en raison de la maladie, d'un handicap ou des séquelles d'un accident, l'habilitation entre époux, autorisée par le juge des tutelles, peut constituer une réponse pour faire face aux difficultés de gestion du patrimoine du couple.
Il faut rappeler que le mariage entraine une situation de "régime primaire" permettant la réalisation d'un certain nombre d'actes par seulement l'un des deux époux (par exemple, faire fonctionner le compte bancaire commun, réaliser certains actes administratifs, gérer les affaires courantes).
Mais ce régime primaire peut s'avérer insuffisant s'il s'agit d'actes nécessitant l'accord des deux époux ou encore, d'actes concernant la seule autorisation du conjoint diminué.
Si les éléments sont réunis, le juge des tutelles peut statuer en faveur d'une habilitation entre époux, soit sous la forme d'une habilitation restreinte (qui concernera un acte ou des actes précis), soit sous la forme d'une habilitation générale (portant sur un pouvoir large de représentation du conjoint en incapacité d'exprimer sa volonté).
L'habilitation entre conjoints peut donc constituer une alternative possible à une mesure de tutelle (également à une habilitation familiale en représentation).
Enfin, au terme de notre rubrique "Pour en savoir plus", nous abordons le sujet de la présomption d'absence, pour peu qu'un des conjoints ne donne plus de ses nouvelles. Ces dispositions permettent à l'autre conjoint de représenter son époux ou son épouse disparu(e) pour la gestion de ses affaires personnelles et celles du couple.
A noter : communément appelé « habilitation entre époux », cette mesure de protection peut aussi porter le nom « d’habilitation judiciaire aux fins de représentation du conjoint ».
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Principe de l'habilitation entre époux
L’habilitation entre époux, c’est quoi ?
Rappelons que dès lors qu'un couple est marié, et quelque soit le régime matrimonial choisi (séparation de biens, communauté légale...), un régime de base s'applique automatiquement.
En droit, ce régime de base est appelé régime primaire.
Le régime primaire permet à chaque époux :
- d'ouvrir seul un compte bancaire (article 221 du Code Civil)
- d'effectuer seul tous les actes qui ont pour objet l'entretien du ménage et l'éducation des enfants (article 220 du Code Civil) tels que, par exemple, le paiement du loyer et des charges, l'achat de nourriture et de vêtements (autrement dit, les actes de gestion courante)
- de gérer seul les biens communs pour effectuer des actes conservatoires et des actes d'administration (article 1421 du Code Civil)
- de pouvoir exiger de son conjoint sa participation aux charges du mariage (article 214 du Code Civil)
Le régime primaire ne permet pas pour chaque époux :
- de disposer individuellement des droits du logement familial, ni des meubles qui s'y trouvent c’est-à-dire, pouvoir disposer seul des biens communs (il ne peut pas, par exemple, prendre l'initiative de les vendre seul quand ils font partie des biens de la communauté) cf. article 215 du Code Civil)
- de prendre seul(e) des dispositions sur le patrimoine commun ou sur celui appartenant, en propre, au conjoint diminué.
- d’être tenu solidaire des dettes qu'un des deux conjoints aurait contractées lors d'achats ou d'emprunts manifestement excessifs (tels que, par exemple, l'achat d'un véhicule de sport haut de gamme ou des dettes de jeux sans concertation avec son conjoint) cf. article 220 du Code Civil)
L’hypothèse d’une altération des facultés d’un des deux conjoints :
Ces rappels au sujet du régime primaire entre époux permettent de comprendre que ce régime de base ne couvre pas l'ensemble des situations quand l’un des deux époux se retrouve dans l'incapacité de donner son accord (du fait, par exemple, de la maladie, d'un accident ou de troubles liés au vieillissement).
En effet, les actes de disposition (où l'accord des deux époux est nécessaire) sont exclus de ce régime primaire, ainsi que la gestion des biens propres de l'un des époux.
Pour faire face à ce type de situation, sans pour autant envisager une mesure de protection juridique telle qu'une sauvegarde de justice, une curatelle ou une tutelle, des dispositions sont possibles dans le cadre d’une habilitation entre époux.
Cette habilitation donnée par le juge des tutelles au conjoint en bonne santé permet à celui-ci (ou celle-ci) de passer un acte ou des actes qui aurait normalement nécessité l’accord de son conjoint.
L’habilitation entre époux peut se décliner de deux façons :
- l’habilitation restreinte entre époux : l’époux en bonne santé est autorisé à passer un acte spécifique pour représenter son conjoint diminué (par exemple, la vente d’un bien immobilier appartenant à la communauté)
- l’habilitation générale entre époux : l’époux en bonne santé représente son conjoint diminué pour l’ensemble des actes qu’il ne pourrait passer seul dans le cadre du régime primaire.
L’habilitation entre époux, bon à savoir
Personnes autorisées à formuler la demande d’habilitation entre époux : uniquement le conjoint ou la conjointe en bonne santé.
Instruction de la demande d'habilitation entre époux : par le juge des tutelles. S’il y donne une suite favorable, il délivre l'habilitation entre époux en fixant son étendue (habilitation restreinte ou générale), sa durée et le conjoint désigné pour l’exercer. À tout moment, le juge peut modifier sa décision initiale si des évènements l'imposent.
Désignation de la personne habilitée : le juge désigne le conjoint en bonne santé s'il le considère apte à exercer le mandat de représentation de celui qui n'est plus en capacité à gérer ses intérêts.
Appel de la décision : le jugement d'une habilitation entre époux peut faire l'objet d'un appel (dans les 15 jours au plus tard suivant le jugement ou la date de notification).
Coût : l'habilitation entre époux s'exerce à titre gratuit
Durée : l'habilitation restreinte entre époux ne dure que le temps de la réalisation des actes autorisés par le juge. L'habilitation générale entre époux n'est pas limitée dans le temps (sauf décision particulière du juge des tutelles). Elle s'achève en cas de dessaisissement du conjoint habilité, en cas de mainlevée de l’habilitation (par exemple, si le conjoint diminué retrouve ses facultés), en cas de modification du régime de protection (par exemple, remplacement de l'habilitation entre époux par une habilitation familiale ou une mesure de tutelle) ou en cas de décès d'un des deux conjoints.
Publicité : la loi ne prévoit pas de mention de l’habilitation entre époux en marge de l’acte de naissance
Contrôle : l'habilitation entre époux n'entraîne pas de contrôle du juge des tutelles (contrairement à une mesure de protection juridique). De ce fait, cela la rend moins contraignante et plus simple dans son exercice. Cependant, cela ne soustrait pas le conjoint habilité de conserver les justificatifs de ses actions. Il est conseillé qu'il les garde, notamment en cas de litige éventuel (par exemple, relevés de comptes, factures, attestations diverses...). L’absence d’intervention du juge n’empêche pas le conjoint habilité de le saisir en cas de doute sur une action à mener (par exemple pour un acte de disposition qui soulèverait des enjeux patrimoniaux importants).
Important : l’habilitation entre époux ne concerne que la gestion des biens du conjoint diminué (contrairement aux mesures de tutelle, de curatelle, de sauvegarde de justice et d’habilitation familiale qui peuvent prévoir une protection de la personne) cf. notre page La protection de la personne protégée et la protection de ses biens.
A noter :
- même si cela semble aller de soi, il est important de préciser que l'habilitation entre époux ne s'adresse qu'aux couples mariés et exclut, de fait, les situations de vie maritale ou de PACS
- en présence d'enfants, d'autant plus s'ils sont issus d'unions différentes, il est toujours souhaitable que ce régime fasse l'objet d'une recherche de consensus au sein de la famille. A défaut, cela pourra alimenter des tensions, voire des conflits pour peu que les dispositions prises (ou non prises) par le conjoint en bonne santé soient contestées par certains enfants majeurs. Il est donc conseiller de fournir, pour la demande d'habilitation entre époux, une attestation de chacun des enfants majeurs (attestations où ils indiquent qu'ils ne s'opposent pas à cette procédure).
- une mesure d'habilitation familiale peut également être envisagée dans un contexte de relations familiales apaisées (reportez-vous, à ce sujet, à notre paragraphe de cette même page "L'habilitation générale entre époux" > sous-paragraphe "L'habilitation générale entre époux et les autres dispositions en matière de protection juridique").
- dans les situations de conflits familiaux, une mesure de protection juridique (tutelle, voire de curatelle) confiée à un tiers, peut être alors plus opportune, sous réserve de l'avis du juge des tutelles et de son accord.
L'habilitation restreinte entre époux
Une habilitation délivrée pour un ou des acte(s) précis
Du fait du handicap ou de la maladie de son conjoint, un époux peut être autorisé par le tribunal judiciaire ou le tribunal de proximité à passer seul un acte (ou des actes) pour lequel l'accord et la participation de son conjoint aurait été nécessaire (article 217 du Code Civil).
Pour que le conjoint en bonne santé soit autorisé à passer un acte qui aurait nécessité l'accord des deux époux, le juge des tutelles a la possibilité de lui délivrer une habilitation restreinte (ou limitée) entre époux.
L'époux qui est représenté, dans le cadre de cette habilitation restreinte, doit se trouver hors d'état de manifester sa volonté (état médical attesté par un médecin spécialiste inscrit sur la liste du procureur de la République).
Cette habilitation restreinte fait toujours l'objet d'une définition précise de son étendue.
Par exemple, elle peut être délivrée pour autoriser la vente d'un bien immobilier, procéder à la réorganisation de placements financiers, accepter ou refuser une succession qui concernerait l’époux diminué…
L'époux qui se voit confier cette habilitation retreinte n'est pas autorisé à passer des actes non-mentionnés dans le jugement.
Fin de l’habilitation restreinte entre époux
Lorsque l'acte (ou les actes) autorisé(s) ont été réalisés, le conjoint habilité en donne l'information au juge des tutelles.
L'habilitation retreinte entre époux prend alors fin.
Autres raisons entrainant la fin de l'habilitation restreinte entre époux :
- si l’état de santé du conjoint diminué s’améliore et que l’altération de ses facultés, constatée à l’ouverture de l’habilitation n’est plus constatée sur le plan médical.
- si le juge des tutelles met un terme à l’habilitation entre époux pour la remplacer par une autre mesure de protection (habilitation familiale, sauvegarde de justice, curatelle ou tutelle). Par exemple, en raison de la demande de l’époux habilité à être déchargé de son mandat pour des problème de santé ou parce que le juge des tutelles considère qu’il (ou elle) n’est plus suffisamment apte à remplir sa mission.
- si le conjoint représenté décède
- si le conjoint habilité décède.
L'habilitation générale entre époux
Une habilitation délivrée pour l’ensemble des actes
L'habilitation générale entre époux permet à un des deux conjoints de représenter son mari ou son épouse diminué(e) pour l'ensemble des actes qui nécessitent l'accord des deux conjoints ou l'accord de celui qui a besoin d'être représenté (article 219 du Code Civil)
L'époux qui est représenté, dans le cadre de cette habilitation générale, doit se trouver hors d'état de manifester sa volonté (état médical attesté par un médecin spécialiste inscrit sur la liste du procureur de la République).
Les conditions et l'étendue de cette habilitation générale sont fixées par le juge des tutelles.
Le conjoint habilité peut passer des actes d'administration pour son conjoint diminué, c'est à dire réaliser pour lui toute démarche courante visant à faire valoir ses intérêts (par exemple, remplir et signer pour lui un document administratif, bancaire ou fiscal).
Le conjoint habilité peut également passer des actes de disposition pour son conjoint diminué (c'est à dire ceux concernant le patrimoine, comme par exemple, vendre ou acheter un bien immobilier, prendre des dispositions au sujet des placements financiers du conjoint diminué, accepter ou refuser pour lui une succession).
Pour une meilleure compréhension des différences entre les différents actes, vous pouvez consulter notre page "Les différents actes à distinguer".
Fin de l’habilitation générale entre époux
L’habilitation générale entre époux se termine dans les situations suivantes :
- si l’état de santé du conjoint diminué s’améliore et que l’altération de ses facultés, constatée à l’ouverture de l’habilitation n’est plus établie sur le plan médical.
- si le juge des tutelles met un terme à l’habilitation entre époux pour la remplacer par une autre mesure de protection (habilitation familiale, sauvegarde de justice, curatelle ou tutelle). Par exemple, en raison de la demande de l’époux habilité à être déchargé de son mandat pour des problème de santé ou parce que le juge des tutelles considère qu’il (ou elle) n’est plus suffisamment apte à remplir sa mission.
- si le conjoint représenté décède
- si le conjoint habilité décède.
La demande d'habilitation entre époux et son instruction
Comment faire la demande d’habilitation familiale entre époux ?
La demande d'habilitation est à formuler auprès du juge des tutelles du tribunal judiciaire ou du tribunal de proximité du lieu de résidence des époux (article 1286 du Code de Procédure Civile) > cf. annuaires des tribunaux judiciaires et des tribunaux de proximité (source du site du Ministère de la Justice annuaires.justice.gouv.fr).
Elle doit obligatoirement être effectuée par l'époux ou l'épouse en bonne santé (par exemple, la demande ne peut pas être réalisée par leurs enfants).
Cette demande peut être formulée sur papier libre, sans nécessiter l'intervention d'un avocat ou d'un commissaire de justice (ex-huissier).
Elle peut également être complétée à partir du formulaire cerfa n°15734*03 (source service-public.fr). L’utilisation de ce formulaire a l’intérêt de répondre aux différentes informations nécessaires à l’instruction de la demande (identités, motif de la demande, avis du conjoint à représenter…). Nous vous en conseillons l'emploi ainsi qu'un envoi par lettre recommandée de la demande.
La demande doit comporter un certain nombre de pièces justificatives :
- avis médical attestant que l'un des époux est hors d'état de manifester sa volonté (certificat médical ou de préférence, de notre point de vue, une expertise d'un médecin spécialiste inscrit sur la liste du procureur de la République) ; cette liste est disponible auprès du greffe du tribunal judiciaire ou du tribunal de proximité compétent)
- copie intégrale de l’acte de naissance de l'époux ou de l’épouse nécessitant d'être représenté (copie datant de moins de 3 mois)
- justificatifs d'identité des deux époux et copie de leur livret de famille
- de façon souhaitable, une attestation de chacun des enfants majeurs (attestations où ils indiquent qu'ils ne s'opposent pas à cette procédure).
- de façon facultative, documents patrimoniaux permettant au juge des tutelles de comprendre la situation (relevés de comptes bancaires, titres de propriétés, contrat de mariage...)
Le juge des tutelle peut demander toute autre pièce utile avant de rendre sa décision (par exemple, des précisions de la part d'un notaire, une estimation de valeur d'un bien, une enquête des services sociaux...).
Instruction de la demande d’habilitation entre époux et décision du juge
Le juge des tutelles procède à l’audition des époux (sauf si l’état de santé du conjoint diminué ne permet pas son audition pour des raisons médicales).
Le juge a la possibilité :
- de ne pas donner suite à la demande s'il considère qu'elle est insuffisamment justifiée
- de donner suite à la demande d'habilitation entre époux (elle se met en œuvre à la réception du jugement)
- de prononcer, à la place, une habilitation familiale
- de prononcer une mesure de protection juridique s'il estime que le conjoint diminué a besoin d'une mesure de curatelle ou de tutelle (voire d'une sauvegarde de justice dans l'attente d'un jugement plus définitif).
Sur cette dernière possibilité, le juge des tutelles apprécie cette opportunité si notamment il estime que :
- le conjoint en bonne santé ne semble pas avoir l'aptitude à exercer l'habilitation entre époux
- des relations familiales compliquées ne permettent pas d’envisager une habilitation familiale
- la complexité de la situation ou l’importance du patrimoine justifie un contrôle plus important du mandat (comme en tutelle)
- que l’époux diminué a besoin d’être assisté et non représenté et que les conditions ne sont pas réunies pour une habilitation familiale en assistance (une mesure de curatelle peut être alors prononcée)
…/…
Modalités pratiques de l'habilitation générale entre époux
Les points importants à retenir
Un certain nombre de démarches sont à réaliser au début, pendant et à la fin de l'habilitation entre époux, par le conjoint habilité.
Les informations proposées ici ne sont pas limitatives, elles résument l'essentiel.
A noter :
- la signature du conjoint diminué (bénéficiant de l’habilitation entre époux) n'a plus de valeur juridique : le conjoint habilité est autorisé à signer pour lui, quels que soient les documents, qu’ils concernent des actes d’administration ou des actes de disposition.
- le contenu du jugement doit faire l'objet d'une attention particulière pour que le conjoint habilité ait bien connaissance de l'étendue de son mandat (par exemple, l'habilitation prévoit-elle uniquement une protection des biens ou également une protection de la personne ?)
Important : en cas d'habilitation entre époux restreinte à un acte ou des acte(s) spécifiques, les démarches évoquées dans ce paragraphe ne s'appliquent pas puisque qu'elles sont limitées à la spécificité des opérations à mener, avec l'autorisation du juge des tutelles.
Pour vous aider :
- pour les mesures de protection « classiques » (tutelle, curatelle et sauvegarde de justice), nous proposons trois pages : les actes à effectuer au début de la mesure de protection, pendant celle-ci et à son terme. A titre indicatif, vous pouvez vous y référer quand il est question des mesures de tutelle (mesure de représentation comme l’habilitation entre époux).
- nous proposons des modèles de courriers au début de la mesure, pendant celle-ci et à son terme (pour les mesures de tutelle, de curatelle et de sauvegarde de justice). Nos courriers concernant les mesures de tutelle ou ceux intitulés « toute mesure » peuvent vous servir de base de rédaction (sous réserve de respecter le cadre légal de votre mandat). Sur la version Word que nous vous proposons gratuitement, il vous suffit simplement de changer l’intitulé de la mesure en indiquant qu’il s’agit d’une habilitation entre époux et de modifier le contenu du courrier si besoin.
Les actes à réaliser au début de l'habilitation générale entre époux
Le conjoint habilité doit écrire aux différents organismes administratifs et bancaires dont dépend son conjoint diminué, afin de les informer de son mandat.
De façon pratique, il demande à recevoir tout courrier concernant le conjoint représenté (le libellé de l'adresse étant modifié de la façon suivante, par exemple : Mme X, sous habilitation entre époux de M. Y avec indication de son adresse). Il joint à son courrier une copie du jugement d'habilitation entre époux ou un extrait de jugement si celui-ci lui a été délivré par le tribunal.
Les organismes à prévenir sont notamment : les caisses de retraites et de prestations sociales, les caisses d'assurances maladie, les mutuelles complémentaires, les cabinets d'assurances, les services fiscaux, les créanciers (en cas d'endettement) ...
Au sujet du fonctionnement bancaire de la personne placée sous habilitation générale entre époux :
- ce fonctionnement ne s'en trouve pas modifié (contrairement à une mesure de tutelle où il est demandé la mise en place d'un compte de gestion spécifique pour que le tuteur puisse justifier de l'ensemble des opérations auprès du tribunal. Cela n'est pas le cas pour une habilitation entre époux)
- la personne habilitée est autorisée à faire fonctionner seule les comptes bancaires du conjoint diminué (y compris de façon dématérialisée en ayant accès aux comptes personnels de son conjoint par Internet)
- les procurations qui étaient éventuellement en cours avant l'habilitation entre époux doivent être annulées (ou modifiées au seul bénéfice du conjoint habilité)
- pour les moyens de paiement, ce point doit être vu avec la banque à la mise en place de l'habilitation entre époux, selon le fonctionnement déjà convenu entre les époux (par exemple, si le conjoint représenté possède un ou plusieurs comptes bancaires à son nom, le libellé de ses relevés bancaires, ainsi que les éventuels chéquiers, devront faire apparaitre la mention de l'habilitation entre époux ; l'utilisation d'une éventuelle carte bancaire ne doit pas, également, souffrir de contestation).
Les actes à réaliser pendant l'habilitation générale entre époux
Ils dépendent, bien sûr, de la situation matérielle et personnelle du conjoint représenté par son conjoint.
Les principes de protection et de préservation des intérêts du conjoint diminué doivent toujours primer.
Ces principes veillent à ce que sa sécurité et son bien-être soient assurés, ainsi que la conservation de son patrimoine (celui-ci devant prioritairement être géré pour répondre à ses besoins).
L'utilisation de l'épargne ou la vente de ses biens personnels est possible, à condition d'être motivée et que les fonds soient utilisés dans l'intérêt du conjoint diminué (par exemple pour régler des frais d'aide à domicile ou d'accueil dans un établissement, si ces frais conduisent à dépasser ses ressources mensuelles).
Les excédents des revenus du conjoint représenté doivent être placés sur des comptes de placement à son nom.
L'ouverture ou la clôture de comptes bancaires, dans le strict intérêt de la personne bénéficiant de l'habilitation entre époux, ne font pas l'objet de demande d'autorisation au juge des tutelles
La personne habilitée doit tenir une comptabilité rigoureuse de ces opérations, y compris celles relevant de la gestion quotidienne (ressources et dépenses), en conservant les justificatifs des opérations les plus importantes.
Sur un plan administratif, il est obligatoire de :
- faire valoir les droits du conjoint représenté (par exemple, demander les aides auxquelles elle peut prétendre comme, par exemple, l'APA, l'AAH, les aides au logement...). Nos pages consacrées aux aides financières pour les personnes âgées, pour les personnes en situation de handicap, en cas de maladie ou de précarité sociale peuvent apporter des indications à ce sujet.
- répondre à ses obligations (notamment pour la fiscalité et les assurances)
Si la question du maintien à domicile pose des difficultés, avec l'éventualité d'une orientation en établissement, la personne habilitée doit mettre en place des démarches pour répondre à la situation et aux besoins de son conjoint diminué.
Actes de disposition et habilitation générale entre époux :
Les textes ne prévoient pas de cadre particulier à ce sujet, sauf mention particulière dans le jugement d’habilitation générale entre époux (contrairement à l’habilitation familiale générale qui prévoit l’obligation d’obtenir l’accord du juge des tutelles dans certains cas, par exemple, dans l'hypothèse de dispositions à prendre sur la résidence principale, de projet de donation ou d’actes soulevant un conflit d’intérêt).
Cependant, si l’acte de disposition à envisager soulève des enjeux patrimoniaux importants, il nous semble souhaitable d’en informer le juge des tutelles pour obtenir ses observations (avant que l’acte soit passé).
Notre page dédiée aux dispositions patrimoniales peut vous apporter des précisions utiles au sujet des actes de disposition.
Autres points :
- demande de dessaisissement par la personne habilitée : si celle-ci, pour différentes raisons, ne souhaitent plus exercer son mandat, elle a la possibilité d'en faire part au juge des tutelles qui statuera sur sa demande.
- dessaisissement de la personne habilitée par décision du juge des tutelles : si la personne habilitée n’exerce pas correctement son mandat (par exemple, en raison de négligences, de fautes ou de fraudes), le juge des tutelles peut, à tout moment, lui retirer son habilitation. A noter que la personne habilitée engage sa responsabilité en cas de préjudice ou d'erreurs de gestion (article 1992 du Code Civil).
Le renouvellement de l'habilitation générale entre époux :
L’habilitation générale entre époux n'est pas limitée dans le temps, sauf décision du juge des tutelles (l'habilitation restreinte entre époux s'achève quant à elle à l'issue de l'acte ou des actes autorisés).
Si une échéance a été fixée par le juge, une demande en révision de l'habilitation doit être adressée au greffe du tribunal judiciaire ou du tribunal de proximité (au moins 6 mois avant son terme), sinon l’habilitation deviendra caduque.
La demande en révision doit être accompagnée d’un avis médical (de notre point de vue et de préférence, une expertise d'un médecin agréé par le procureur de la République) en y joignant un courrier circonstancié établi par la personne habilitée. Ce courrier fait état de la situation du conjoint diminué et d’un avis sur la suite à donner à l'habilitation générale entre époux quant à son renouvellement ou non.
Les actes à réaliser à la fin de l'habilitation générale entre époux
L’habilitation générale entre époux prend fin en cas :
- de dessaisissement de l’époux habilité (son mandat s’achève)
- de mainlevée de l’habilitation (par exemple, si le conjoint diminué retrouve ses capacités à gérer seul ses intérêts).
- de décision, par le juge, d’un autre régime de protection juridique (par exemple, une habilitation familiale ou une mesure de tutelle)
- du décès du conjoint représenté (la personne habilitée doit écrire aux différents organismes pour leur donner cette information, en y joignant un acte de décès. Elle doit également informer le juge des tutelles).
Retenez, qu'au terme d'une habilitation générale entre époux, et quels qu'en soient les motifs, les différents organismes doivent être prévenus (organismes bancaires te administratifs).
Les justificatifs de l'exercice du mandat d'habilitation familiale sont à conserver en cas de contestation.
A noter :
- l’habilitation entre époux prend également fin en cas de décès du conjoint habilité (l'information est à donner au juge des tutelles et aux organismes par les héritiers, voire par le notaire chargé du règlement de la succession)
- le juge des tutelles avise alors du nouveau régime de protection à prononcer pour le conjoint diminué (si son état de santé nécessite toujours qu'il soit protégé).
Alternatives à l'habilitation entre époux
Habilitation entre époux VS Habilitation familiale
Depuis le 1er janvier 2016, l'habilitation familiale générale peut s'appliquer aussi entre conjoints quand l'un d'eux doit être représenté dans les actes de la vie civile (en raison de la maladie ou d'une situation de handicap).
Le juge des tutelles a donc, désormais, la possibilité de statuer en faveur de l'un de ces deux régimes de protection (habilitation entre époux ou habilitation familiale).
Eléments à prendre en compte :
- l'habilitation entre époux, contrairement à l'habilitation familiale, est très peu détaillée par le code civil (sauf à ce que le juge des tutelles énonce les pouvoirs du conjoint habilité de façon précise dans le jugement prononcé)
- si le contexte le permet, l'habilitation entre époux peut être suffisante (notamment et par exemple, quand le couple n'a pas d'enfant)
- néanmoins, et de notre point de vue, l'habilitation familiale présente l'intérêt d'un cadre juridique plus précis, ce qui peut limiter les éventuelles contestations et litiges au sein de la famille, au sujet des actions menées par la personne habilitée.
Habilitation entre époux VS Tutelle
Une mesure de tutelle peut constituer une alternative à une habilitation générale entre époux.
Le juge des tutelles doit en apprécier la possibilité à partir du moment où, pour un couple marié, un des conjoint a besoin d'être représenté (article 428 du Code Civil).
La mesure de tutelle est néanmoins plus contraignante mais elle peut être plus adaptée dans certaines situations :
- si le conjoint en bonne santé n'est pas en capacité de gérer les aspects administratifs et patrimoniaux de son conjoint diminué (et dans ce cas, la substitution par une habilitation familiale n'est pas envisageable en raison de ne pouvoir en réunir les conditions).
- si le juge des tutelles, en fonction de la particularité de la situation de la personne à protéger considère qu’il doit exercer un contrôle plus important (par exemple, en raison de l’importance du patrimoine ou de conflits familiaux) ; ce contrôle étant absent en habilitation entre époux sauf s’il est décidé par le juge des tutelles.
- en cas de tutelle, la mesure pourra être confiée au conjoint ou à un membre de la famille (voire un proche) si une entente à minimum est constatée.
- à défaut, le juge des tutelles pourra envisagé de la confier à un professionnel MJPM (cf. notre page sur l'exercice du mandat de protection par la famille ou par un professionnel).
La particularité de la présomption d'absence
Dans l'hypothèse où un des conjoint a disparu et qu'il ne donne plus aucune nouvelle, une procédure est prévue afin de permettre à l'époux ou à l'épouse de le représenter (articles 112 à 121 du Code Civil pour la présomption d'absence et articles 122 à 132 du même code pour la déclaration d'absence).
Il faut distinguer :
- la situation de disparition où le décès est une quasi-certitude (par exemple, suite à un accident d'avion ou au naufrage d'un navire)
- la présomption d'absence (rien ne prouve que la personne est décédée).
Dans le premier cas (décès fortement supposé), le tribunal judiciaire (sur requête du procureur de la République) apprécie le dossier et, sur la base de preuves suffisantes, déclare le décès.
Dans le second cas (quand il n'y pas de nouvelles de la personne et sans certitude de son décès), une procédure peut être ouverte devant le juge des tutelles. Au vu des éléments fournis, le juge pourra établir une constatation de présomption d'absence. Cela permettra la représentation de la personne disparue afin de gérer, pour elle, ses affaires.
Ce pouvoir de représentation peut être général ou ne porter que sur certains actes.
Le jugement de présomption d'absence est porté au répertoire civil.
Passé un délai de 10 ans,
Et sur nouvelle saisine du tribunal judiciaire, un jugement de déclaration d'absence est prononcé si la personne n'est pas réapparue.
Ce jugement aura la même valeur qu'un acte de décès et sera notifié sur les répertoires de l'état civil.
A noter : à défaut d'une procédure de constatation de présomption d'absence, ce délai est porté à 20 ans à partir de la date de la disparition.
Textes de référence
Pour le régime primaire : article 214 du Code Civil ; article 220 du Code Civil ; article 221 du Code Civil ; article 1421 du Code Civil ;
Pour l'habilitation restreinte entre époux : article 217 du Code Civil
Pour l'habilitation générale entre époux : article 219 du Code Civil
Pour la procédure (habilitation restreinte ou habilitation générale) : article 1286 du Code de Procédure Civile
Sur les pièces médicales à fournir pour la demande d'habilitation entre époux : article 1289-1 du Code de Procédure Civile
Sur le dessaisissement des pouvoirs d'un conjoint hors d'état d'exprimer sa volonté au profit de son conjoint : articles 1426 et 1429 du Code Civil
Pour la présomption d'absence : articles 112 à 121 du Code Civil ; articles 122 à 132 du Code Civil
Sites Internet
Sur l'habilitation entre époux (ou l'habilitation judiciaire aux fins de représentation du conjoint) : service-public.fr
Formulaire de demande d'habilitation entre époux : cerfa 15734*03 (source service-public.fr)
Adultes-Vulnerables.fr travaille régulièrement à la rédaction et à la mise à jour gratuite de ses contenus. Si vous estimez que ce site vous est utile et que vous souhaitez soutenir son existence, n'hésitez pas à nous apporter votre contribution financière pour un montant de votre choix.
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