Le règlement des charges des majeurs protégés
Si vous disposez d'un mandat de gestion des ressources de la personne majeure protégée (en curatelle renforcée ou en tutelle), vous avez l'obligation de régler ses charges.
En cas de difficultés pour qu'elle puisse y faire face, vous devez prendre les dispositions nécessaires pour trouver des solutions adaptées (soit au titre de la représentation, soit au titre du conseil, selon la nature de votre mandat).
Enfin, il vous appartient de vérifier que les sommes sont bien dues ou que les montants réclamés ne sont pas abusifs.
A noter :
- en curatelle simple, vous ne disposez pas de ce mandat de gestion des ressources mais il vous revient de conseiller la personne pour le règlement de ses charges si cela est nécessaire
- en sauvegarde de justice avec mandat spécial, le mandat peut prévoir la gestion des ressources et le règlement des charges.
A noter : pour les mesures alternatives (habilitation familiale et habilitation entre époux), ces préconisations peuvent également s’appliquer.
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Généralités sur l'obligation du règlement des charges
Le règlement des charges, une obligation liée au mandat de gestion des ressources
En curatelle renforcée et en tutelle, le mandat de protection prévoit obligatoirement la perception des ressources de la personne protégée sur un compte de gestion (éventuellement en sauvegarde de justice avec mandat spécial, si le mandat précise cette mission).
Par conséquent, les sommes dues par la personne protégée doivent être réglées par le mandataire à partir du compte bancaire où sont versées les ressources (ce compte bancaire est appelé "compte de gestion").
Les sommes dues sont, soit des charges courantes (par exemple, un loyer ou une facture d’électricité), soit des dépenses ayant un caractère exceptionnel (une réparation de voiture ou l’achat de nouveaux meubles par exemple).
Le manquement à l'obligation de régler les charges peut conduire le juge des tutelles à demander des explications au tuteur, au curateur ou au mandataire spécial.
En cas de dysfonctionnements graves à ce sujet, le juge peut les décharger de leurs mandats.
Le compte de gestion, support bancaire du règlement des charges de la personne protégée
Le compte de gestion désigne le compte bancaire ouvert au nom de la personne sous tutelle ou sous curatelle renforcée pour la perception de ses revenus (voire en sauvegarde de justice avec mandat spécial si ce mandat stipule la gestion des ressources).
Ce compte permet au tuteur ou au curateur de régler les différentes charges à partir de ce compte de gestion.
Par exemple, pour les personnes protégées en domicile autonome :
- factures d’eau, d’électricité, de téléphone
- cotisations d’assurances et de mutuelle complémentaire
- loyer ou remboursement d’emprunt immobilier
- impôts et taxes
- frais médicaux
- factures d’achat d’équipement divers
- remboursement d’emprunt….
ou pour les personnes protégées accueillies en établissement :
- frais d’hébergement de la structure
- règlement des factures directement reçues (pharmacie, coiffeur, pédicure…)
- cotisation d’assurance responsabilité civile et de mutuelle complémentaire
- frais de séjour adapté pour les personnes en situation de handicap
- frais de transport
- frais lié à un bien immobilier (abonnements, impôts, assurance…)…
Ces exemples sont donnés à titre indicatif, la particularité de chaque situation imposant un fonctionnement budgétaire spécifique, respectueux des capacités d’autonomie de la personne protégée.
Les charges peuvent être réglées par le tuteur ou par le curateur de différentes façons : chèques bancaires, virements, prélèvements, titres interbancaires de paiement (TIP), carte bancaire.
La condition est que tout moyen de paiement utilisé permette une traçabilité des opérations bancaires sur le compte de gestion (ce qui exclue le paiement en espèces des charges de la personne protégée).
Une fois les charges réglées, le tuteur ou le curateur versent à la personne majeure protégée les sommes nécessaires à ses besoins courants (sur un compte bancaire dédié, appelé souvent "compte de retrait", sauf si la personne protégée n'a pas ou n'a plus les capacités de l'utiliser). En curatelle renforcée, ces sommes disponibles sont appelées « excédents ». Le curateur est tenu de les reverser à la personne protégée selon des modalités qu’ils définissent ensemble (cf. notre page la curatelle > la curatelle renforcée).
Des placements bancaires peuvent être effectués à partir de ce compte de gestion (avec l'accord de la personne en curatelle ou à l'initiative du tuteur, sauf, dans ce second cas, avec l'accord du juge des tutelles si les placements comportent une part de risques).
Le compte de gestion sert de base comptable au compte annuel de gestion remis au juge des tutelles dans le trimestre suivant la clôture de l'exercice annuel (arrêté au 31 décembre de chaque année, sauf exception).
Au sujet des particularités du fonctionnement bancaire, et notamment lors de sa mise en place au début de la mesure de protection, vous pouvez consulter notre page Les actes à effectuer au début de la mesure > paragraphe « Le fonctionnement bancaire ». Également notre page Le patrimoine mobilier des majeurs protégés > paragraphe « La gestion des comptes courants ».
La difficulté de règlement de certaines charges de la personne protégée
En dehors du règlement des charges habituelles, des situations particulières peuvent se présenter :
- le tuteur ou le curateur n'a pas donné son accord sur l'engagement d'une dépense importante
- la personne protégée a des difficultés pour régler une facture
- le montant des sommes à devoir par la personne protégée interroge.
Nous vous proposons de détailler ces trois situations dans nos paragraphes suivants.
La réception d'une facture importante à l'initiative de la personne protégée
La réception d’une facture non-attendue au montant élevé
Il peut arriver que le mandataire (tuteur, curateur ou mandataire spécial) reçoive une facture au montant important et non-prévue :
- soit parce que la personne protégée a pris seule l'initiative de faire un achat ou de bénéficier d'une prestation en demandant au commerçant ou à l'entreprise d'adresser la facture à son tuteur ou à son curateur sans l'aviser préalablement (par exemple, la personne protégée achète un produit coûteux ou fait réaliser une réparation importante sur son véhicule alors que ses possibilités financières ne le permettent pas)
- soit parce qu'un commerçant ou une entreprise "a forcé la main" de la personne protégée en lui vendant un produit ou en lui proposant une prestation (par exemple, un démarcheur à domicile ou un artisan ambulant).
L’appréciation d’un préjudice éventuel pour la personne protégée
Ce type de situation nécessite d’apprécier l'existence d'un éventuel préjudice pour la personne protégée qu'elle soit sous tutelle ou sous curatelle (article 465 du Code Civil) ; ou sous sauvegarde de justice (article 435 du Code Civil). En différenciant les actes que la personne protégée peut réaliser seule ou non :
1/ Actes pouvant être réalisés seul par le majeur protégé (sans assistance ni représentation) :
- si l'acte posé ne lui a pas porté préjudice, il ne peut pas être annulé en curatelle ; en tutelle, l’acte est nul et il peut donc être annulé (si les incidences budgétaires sont faibles et qu’elle relève d’un souhait consentie de la personne protégée, le tuteur peut déroger à la demande d’annulation)
- si l'acte lui a porté préjudice, l'acte peut être annulé ou revu (dans le cadre d'une procédure en rescision ou en réduction pour excès) ; la procédure ne peut être initié que par le curateur ou le tuteur avec l'autorisation du juge des tutelles).
2/ Actes ne pouvant être réalisés seul (avec l'obligation d'une assistance ou d'une représentation) :
- si l'acte imposait que la personne protégée soit assistée (en curatelle), cet acte peut annulé ou revu (dans le cadre d'une procédure en rescision ou en réduction pour excès) mais uniquement s'il apparait qu'elle a subi un préjudice (la procédure ne peut alors être initié que par le curateur avec l'autorisation du juge des tutelles).
- si l'acte imposait que la personne soit représentée (en tutelle), l'acte est nul, qu'il y ait préjudice ou non.
Exemples :
- une personne sous tutelle prend l'initiative de faire réparer son véhicule sans prévenir son tuteur. La facture est coûteuse mais la personne protégée dispose d'argent. Il n’y a pas de préjudice et le tuteur met en règlement la facture.
- pour le même exemple, la personne sous tutelle n'a pas les fonds suffisant pour régler la facture du garage : le tuteur peut négocier un arrangement amiable pour un règlement en plusieurs fois (ce qui est souhaitable) ou plus exceptionnellement, avec l'accord du juge, intenter une procédure pour rendre nulle la prestation du garage.
- si la personne sous tutelle achète seule un véhicule, qu'elle ait de l'argent ou non, la transaction est nulle (elle nécessitait l'accord du tuteur validé par celui du juge des tutelles car il s'agit d'un acte de disposition).
En curatelle, pour ces trois exemples respectifs : 1/ Règlement de la facture par le curateur - 2/ Recherche d'un arrangement amiable ou possibilité d'une action en annulation ou en révision par le curateur, dans ce cas, sous réserve de l'accord du juge ; 3/ L’achat du véhicule est nul (à apprécier alors un arrangement amiable ou une action en justice, comme pour l’exemple 2).
Prévenir ces situations par le dialogue entre la personne protégée et son tuteur ou curateur
Afin d’anticiper ces situations parfois délicates à gérer, il est important que la personne protégée et son mandataire échangent sur les choix budgétaires à réaliser dans le cadre d'une relation de confiance.
Cependant, ce fonctionnement préventif n'est pas toujours aisé à mettre en œuvre pour différentes raisons : par exemple, la grande vulnérabilité de la personne protégée (confrontée, par exemple, à des comportements de dépenses compulsives) ; son opposition à la mesure de protection ; une communication insuffisante ou altérée entre le mandataire et la personne protégée ; une posture trop autoritaire ou insuffisamment "cadrante" du tuteur ou du curateur…
Dans tous les cas, il importe que le curateur ou le tuteur n'abusent pas de leur position pour infantiliser la personne protégée parce qu'elle n'aurait pas demandé l'accord de son mandataire pour une dépense (voir notre page sur la relation avec le majeur protégé pour la protection de ses biens).
La protection de la personne majeure protégée doit favoriser son autonomie, une autonomie sans prise de risques excessifs.
Les difficultés pour régler les charges
L’absence de marge budgétaire et ses conséquences
Un budget extrêmement contraint peut poser des difficultés pour régler certaines dépenses de la personne protégée.
Cela peut être le cas, par exemple, d'un forfait téléphonique qui "explose" ou de factures d'énergie qui dépassent largement les montants prévus. L'entrée de la personne majeure protégée en établissement peut aussi poser des problèmes financiers pour le règlement, souvent élevé, des frais d'hébergement.
Quelle que soit la difficulté rencontrée, il est important de prendre le temps d'apprécier les solutions possibles, en concertation avec la personne protégée à chaque fois que cela est possible.
Pour cela, référez-vous à notre page sur la gestion du budget mensuel prévisionnel et plus particulièrement, à notre paragraphe consacré au budget déficitaire.
Vérifiez également si la personne protégée peut prétendre à des aides financières qui n'auraient pas été sollicitées (consultez, à ce sujet, nos pages sur les aides financières pour les personnes âgées, pour les personnes en situation de handicap, en cas maladie ou de précarité sociale).
En dehors des solutions qui y sont proposées, envisagez la possibilité de régler en plusieurs fois la facture qui pose problème. Cependant, vérifiez bien les impacts financiers de ce règlement échelonné en utilisant un support de gestion prévisionnelle.
Pour les éventuelles pénalités de retard de paiement, pensez à solliciter leurs remises gracieuses en apportant toute explication utile dans votre courrier de demande.
En aucun cas, ne laissez pas la situation financière se détériorer. Par exemple, si la personne protégée est locataire et bénéficiaire d'une aide au logement, des retards de loyers pourront conduire à la suspension de ces aides. Cela ne fera qu'accentuer les difficultés de paiement des charges.
L’éventualité d’une situation de surendettement
Le mandat de gestion des revenus et par incidence, celui du règlement des charges ne doit pas conduire, en cas de budget très « serré », à endetter la personne protégée.
Le tuteur ou le curateur sont tenus, avec la personne protégée, de « faire avec » le budget mensuel prévisionnel en place.
Le juge des tutelles ne comprendrait pas que l’objectif de protection des biens dérive vers une situation de surendettement qui serait contraire aux intérêts de la personne protégée.
Cependant, malgré toute la vigilance mise en œuvre par le tuteur ou le curateur, certaines situations peuvent conduire à ce que le règlement des factures deviennent très problématique.
Par exemple :
- une personne protégée qui séparée de son conjoint reste dans le domicile conjugal sans pouvoir continuer à en assumer les charges du fait de ses seuls revenus
- une personne âgée qui entre dans un établissement et qui ne peut en régler la totalité des frais du fait que les obligés alimentaires ne répondent pas à leurs obligations (par exemple, en raison de conflits familiaux ou de leurs propres difficultés financières)
- une personne protégée qui surchauffe son logement lui-même insuffisamment isolé.
Ces difficultés à régler les charges peuvent aussi être issues de la situation en début de mandat de protection : le majeur protégé a cumulé des dettes qui mettent en déséquilibre la gestion de son budget.
Dans ces situations budgétaires dégradées, le dépôt d'un dossier de surendettement est à envisager.
A noter : pour des dettes anciennes réclamées par des sociétés de recouvrement, il vous appartient de demander les pièces justificatives de la créance si vous ne les avez pas. Pensez à vérifier les délais de prescription (passé un certain délai et sous certaines conditions, une dette ne peut plus être réclamée) cf. notre paragraphe suivant à ce sujet.
La vérification des sommes dues
La très grande majorité des factures à régler ne souffre pas d'ambiguïté quand à leur nature et à leurs montants.
Toutefois, si vous recevez une facture d'un montant inhabituel ou qui vous interroge sur son contenu, procédez aux vérifications nécessaires.
Par exemple, l'altération des facultés de la personne protégée peut l'amener à ne pas porter l'attention nécessaire à sa consommation d'eau ou de chauffage. Vérifiez avec elle ce qu'il en est. Cela peut être une fuite d'eau ou une façon inappropriée de chauffer son domicile. Cela nécessitera, dans les deux exemples donnés, soit une réparation, soit un échange avec la personne protégée afin qu'elle revoit ses habitudes.
De même, des tiers mal intentionnés pourraient se servir, à l'insu de la personne majeure protégée, de ce qu'elle utilise dans sa vie quotidienne (par exemple, usage de son téléphone, achats sur un compte ouvert à son nom, utilisation de son véhicule ce qui pourrait générer des factures plus fréquentes de carburant et d'entretien...). Dans ce cas, et dans votre rôle de protection des biens et de la personne, faites les investigations qui s'imposent pour comprendre et solutionner ces écarts de dépenses, de façon amiable dans un premier temps. Et si cela est nécessaire, intenter les actions en justice (en accord avec la personne en curatelle, et avec l'accord du juge pour une mesure de tutelle).
Certaines factures peuvent également poser question dans le domaine du logement. Par exemple, des frais de réparation qui incombent au propriétaire d'un logement ou à son locataire. Ou encore l'entretien d'une haie mitoyenne. Ou bien, lors d'un état des lieux de sortie d'un logement loué, les travaux de rénovation à envisager. Ces situations peuvent prêter à des désaccords et il vous revient de faire valoir, dans tous ces cas, les droits de la personne protégée tout en prenant en compte ses obligations.
Enfin, vous pouvez être confronté à la réception d'une créance ancienne dont vous n'aviez pas connaissance. Cela peut être, par exemple, un prêt à la consommation non remboursé et qui fait l'objet d'une demande en recouvrement par un cabinet spécialisé. Ou encore, un particulier qui vous fait état d'une ancienne reconnaissance de dette. Dans cette hypothèse, prenez le temps de vérifier l'objet exact de la créance et de son fondement. Demandez si besoin des explications ou des justificatifs complémentaires (par exemple, le contrat de prêt initial), vérifiez si cette dette ne fait pas l'objet d'une prescription, si besoin avec l’aide d’un spécialiste du droit.
En résumé, pensez à vérifier le montant des sommes dues dès lors qu'elles vous interrogent. On pourrait, en effet, vous reprocher d'avoir procéder au règlement trop hâtif d'une facture, au détriment de votre obligation de protection des biens et des intérêts de la personne majeure protégée.
Textes de référence
Le règlement des dépenses en curatelle renforcée : article 472 du Code Civil
Le règlement des dépenses en tutelle : article 474 du Code Civil
La réalisation d'un acte par la personne majeure protégée et son préjudice éventuel : article 465 du Code Civil
Sites Internet
Obligations du locataire (travaux et réparations locatives) : service-public.fr
Recouvrement de créance : service-public.fr
Nos pages internes
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