La protection de la personne protégée et la protection de ses biens
Le principe de protection est un principe fondateur dans l'exercice des mesures de sauvegarde de justice avec mandat spécial, de curatelle ou de tutelle. Également pour les mesures alternatives que sont l’habilitation familiale, l’habilitation entre époux et le mandat de protection future s’il est activé.
La protection concerne à la fois les biens de la personne protégée mais aussi sa personne (sauf décision particulière du juge qui peut statuer uniquement sur la protection des biens s’il considère que le majeur protégé est suffisamment autonome pour décider des choix qui concerne sa personne).
Cette protection peut se décliner soit sous la forme d’une assistance (que l’on pourrait résumer à des conseils), soit sous la forme d’une représentation (quand l’importance des difficultés de la personne protégée nécessite de décider pour elle mais en tenant compte de ce qu’elle peut exprimer quand cela est possible).
Protéger doit donc orienter en priorité l’intervention de tout mandataire (qu’il exerce à titre familial ou professionnel). Ceci pour répondre aux besoins personnels et matériels de la personne protégée, dans le respect de sa dignité.
Mais attention, cette protection ne doit être ni abusive, ni enfreindre les libertés de la personne protégée.
En tutelle, vous devez prendre en compte ce que la personne souhaite si elle est en état de l'exprimer. Vous devez l'associer au maximum dans les décisions à prendre (en l'informant des incidences et des enjeux). A défaut, il faudra vous référer à ses habitudes avant la dégradation de son état de santé.
En curatelle, vous devez intervenir à partir de ce que souhaite la personne majeure protégée et la conseiller au mieux dans ses projets.
En sauvegarde de justice avec mandat spécial, la protection s'exerce sur la base du contenu du mandat, également dans le respect de la volonté de la personne quand cela n'est pas contraire à ses intérêts.
Cela peut conduire, bien sûr, à des difficultés (par exemple, des projets d'achat formulés par le majeur protégé peuvent poser des problèmes budgétaires et générer des tensions). Cependant, la communication et la recherche de solutions partagées doivent toujours prévaloir.
En cas de désaccord au sujet de la protection de la personne ou de ses biens, le juge des tutelles peut être saisi par la personne majeure protégée ou par son représentant légal.
Enfin, en dehors du cadre légal qui régit les différents aspects de la protection, la forme qui est mise dans la relation avec la personne protégée est par ailleurs essentielle (cf. nos pages La relation avec la personne protégée pour la protection de ses biens et La relation avec la personne protégée pour la protection de sa personne.
A noter : la protection des personnes majeures, depuis la réforme de 2007, a introduit la notion de "protection de la personne" (auparavant, on ne parlait pratiquement que de protection des biens).
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Le principe de la protection pour une personne majeure protégée
Une protection juridique, pourquoi ?
La maladie, le handicap ou le vieillissement peuvent empêcher, partiellement ou totalement, une personne adulte d'apprécier, avec lucidité, ses intérêts.
Elle peut alors poser des actes qui peuvent lui porter préjudice, tant pour sa propre personne que pour son patrimoine. Des personnes mal-intentionnées peuvent également utiliser sa vulnérabilité et l'entraîner dans des situations qui pourront avoir des conséquences fâcheuses pour sa situation personnelle ou matérielle, voire voire pour ces deux raisons (la difficulté à se protéger d’elle-même et d’autrui).
Une protection des biens et une protection de la personne
Pour pallier à ces situations, la protection juridique des personnes majeures prévoit que les majeurs protégés puissent bénéficier, à la fois, d'une protection de leurs biens et une protection de leur personne.
Cette double protection, personnelle et matérielle, est "instaurée et assurée dans le respect des libertés individuelles, de la dignité et des droits fondamentaux de la personne protégée. Elle a pour finalité son intérêt et favorise dans la mesure du possible son autonomie" (article 415 du Code Civil).
A noter :
- le juge des tutelles peut prononcer une mesure limitée à la protection des biens
- il peut également désigner deux personnes physiques ou morales différentes qui exerceront, chacune, la protection des biens et celle de la personne (on parle alors de co-tuteur ou de co-curateur). Par exemple, le juge désigne un mandataire professionnel pour la protection de biens et un mandataire familial pour la protection de la personne protégée (en raison de sa meilleure connaissance de celle-ci).
Une protection sous forme d’assistance ou de représentation
La protection des biens et la protection de la personne peuvent s'exercer soit sous forme d'assistance, soit sous forme de représentation :
- l'assistance consiste à ce que le curateur conseille la personne protégée pour l'aider dans la réalisation de ses choix (par extension et au sens strictement juridique, l’assistance s’exerce pour les actes des dispositions qui concerne le patrimoine de la personne protégée).
- la représentation vise à ce que le tuteur prenne des décisions pour la personne protégée, dans son intérêt, tout en veillant à respecter au mieux sa volonté si son état de santé en permet l'expression (à défaut, le tuteur se réfère à ce que la personne aurait souhaité avant de ne plus être en capacité d'exprimer ses choix, ou à ce qui semble être le plus digne pour elle si elle n'a jamais été en capacité de les exprimer).
A noter :
- le juge des tutelles peut, dans le cadre d'une mesure de tutelle, prononcer une représentation pour la protection des biens (obligatoirement) et une assistance pour la protection de la personne (facultativement). Dans cette hypothèse, il considère que la personne protégée a des capacités pour gérer elle-même sa propre personne, au moins avec l'aide de conseils.
- pour une mesure de curatelle, le principe de l'assistance prévaut toujours (il ne peut pas y avoir de mandat de représentation, ni pour la protection des biens, ni pour celle de la personne).
Protection juridique et prise en compte de l’expression de la personne protégée
La protection d'une personne majeure protégée s'exerce toujours à partir de ce que la personne exprime et de ce qu'elle souhaite (ou à défaut, en se référant à ses habitudes et ses valeurs avant qu'elle perde ses facultés ; ou en cas de handicap de naissance empêchant l'expression de la volonté, dans le strict respect de sa dignité).
Un tuteur, et encore moins un curateur, ne doivent agir en privilégiant leur point de vue sur celui de la personne protégée.
Le principe d'une protection juridique est de mettre en adéquation la volonté de la personne protégée et sa sécurité, matérielle, physique et psychologique.
A noter : en cas de désaccord entre la personne protégée et son mandataire familial ou professionnel au sujet d'un choix à réaliser quant à sa protection (qu'il s'agisse de ses biens ou de sa personne), le majeur protégé est en droit de saisir le juge des tutelles. Le mandataire également.
La protection des biens
La protection des biens, c'est quoi ?
Il s’agit de la protection de l'ensemble des avoirs de la personne majeure protégée.
Par "avoirs", il faut comprendre : ses comptes bancaires et de placements, ses biens immobiliers et ses "biens meubles corporels" (mobilier, véhicules, objets et souvenirs personnels, biens d'équipement divers...).
Pour assurer la protection de ces biens, dans le souci du respect des libertés et des droits de la personne majeure protégée, la loi prévoit de nombreuses dispositions (liste non-exhaustive) :
- un inventaire du patrimoine au début de la mesure (en vue de gérer au mieux les intérêts matériels de la personne, tout au long de la mesure de protection) et avec une actualisation de cet inventaire quand cela s'avère nécessaire (sauf en cas de dispense d'inventaire, par principe en curatelle simple, ou en cas de mention particulière dans le jugement ou de l'ordonnance rendue par le juge des tutelles)
- l'édition d'un comptes annuels de gestion adressé au juge des tutelles avec l'obligation d'en remettre un exemplaire au majeur protégé (sauf si son état de santé ne lui en permet pas la compréhension ou en cas de dispense d'établir des comptes annuels de gestion)
- la conservation du logement et des objets personnels
- le droit de la personne protégée à posséder un compte bancaire personnel (souvent appelé "compte de retrait") sur lequel sont versés les sommes nécessaires à ses besoins courants (avec un versement des excédents budgétaires, en curatelle). Pour les personnes n'ayant pas ou plus conscience de la notion d'argent, le tuteur est néanmoins autorisé à ne pas ouvrir ce compte (les factures lui sont alors adressées pour un règlement à partir du "compte de gestion") cf. notre page Le patrimoine mobilier des majeurs protégés.
- le maintien des comptes bancaires déjà existants, notamment pour les placements d'épargne mais aussi pour le compte de retrait d'argent (pour ne pas perturber les habitudes de la personne protégée)
- une gestion prudente, une gestion diligente et une gestion avisée du tuteur et du curateur (cf. nos pages sur le budget mensuel prévisionnel, la garantie des revenus, le règlement des charges, le patrimoine mobilier et le patrimoine immobilier)
- l'obligation d'assurances
- des dispositions à prendre pour les situations de surendettement,
etc...
Les désaccords éventuels de la personne protégée pour la protection de ses biens :
En cas de litige pour la protection de ses biens, la personne placée sous tutelle ou sous curatelle peut s'adresser au juge des tutelles (également pour une personne sous sauvegarde de justice avec un mandat spécial prévoyant la protection de ses biens ; mais aussi dans le cas d’une habilitation familiale ou entre époux).
Le juge des tutelles avise de la suite à donner pour rendre sa décision (par exemple, une réponse écrite ou une convocation à une audition afin d'entendre les parties en présence).
Aussi, il est important que le mandataire désigné puisse justifier, à la fois, des actions qu'il a menée (ou non-réalisée), ainsi que les modalités qu'il a mise en œuvre, pour délivrer à la personne protégée les informations nécessaires et adaptées à la protection de ses biens (article 457-1 du Code Civil).
Sur le traitement des litiges, reportez-vous à nos paragraphes qui y sont consacrés pour chacune des mesures de protection juridique, à la fin de chacune de ces pages : sauvegarde de justice, curatelle et tutelle.
Incidences psychologiques de la protection des biens pour une personne majeure protégée
Il ne faut pas sous-estimer les aspects psychologiques vécus par une personne majeure protégée pour la protection de ses biens.
Qu’elle soit simplement conseillée ou qu’elle soit représentée, la personne protégée peut se sentir dépossédée ou rabaissée par le fait qu’un mandataire intervienne dans la gestion de ses intérêts matériels (que ce mandataire soit un membre de sa famille ou un professionnel MJPM).
Pour en savoir davantage sur ce sujet, nous vous invitons à consulter notre page sur la relation avec la personne protégée au sujet de la protection de ses biens.
La protection de la personne
La protection de la personne, c'est quoi ?
La protection de la personne protégée (en tant que personne) vise à ce que le mandataire désigné soit attentif et en vigilance au sujet :
- de la préservation des libertés et les droits fondamentaux de la personne protégée
- du respect de son intégrité physique et morale, ainsi que de sa sécurité
- de la dignité de ses conditions de vie, en prenant en compte le mode d'existence et les habitudes de la personne majeure protégée.
Quand le juge des tutelle décide d'une protection de la personne (soit sous la forme d'une assistance (comme par exemple en curatelle), soit sous la forme d'une représentation, (comme par exemple en tutelle, sauf exception pour ce régime), c'est qu'il estime, sur la base des éléments en sa possession, que la personne protégée ne peut assurer seule sa propre protection pour elle-même, c’est à dire en tant que personne (et non pour ses biens).
Sa vulnérabilité, dans ce cas, ne lui permet pas d'apprécier ce qui serait souhaitable pour elle-même, selon le degré de ses difficultés (par exemple, en matière de soins, de respect de sa vie privée ou de choix de son lieu de résidence...).
De nombreuses dispositions légales pour assurer la protection de la personne
Afin que la protection de la personne soit garantie dans le souci du respect de ses libertés et de ses droits, la loi prévoit de nombreuses mesures (liste non-exhaustive) :
- l'obligation de prendre en compte la volonté de la personne protégée (ce qui implique de toujours s'assurer de son consentement, sauf si l'altération trop importante de ses facultés ne le permet pas)
- l'obligation de l'informer sur les incidences des actes posés (en adaptant les explications au niveau de compréhension de la personne protégée)
- le droit de la personne protégée à entretenir des relations avec sa famille, des proches et des tiers
- le droit de la personne protégée quant au choix de son lieu de résidence (cf. notre page sur le logement et les objets personnels des majeurs protégés)
- le droit de la personne protégée à décider des questions relatives à sa santé (par exemple, intervention médicale, contraception, vaccination ...) cf. notre page sur le domaine de la santé et les majeurs protégés
- le droit de la personne protégée à une vie de famille autonome (par exemple, vie maritale, mariage, divorce, avoir des enfants ...)
- le droit de la personne protégée aux libéralités (par exemple, réaliser une donation ou établir un testament). Par "libéralités", il faut comprendre le droit de la personne à disposer de ses biens pour les donner à une ou d'autres personne(s). Ce droit se situant à "mi-chemin" entre la protection de la personne et la protection des biens.
... etc...
Les actes strictement personnels
Certains actes, et quel que soit le type de mesure de protection, ne nécessitent ni assistance, ni représentation. On les nomme « actes strictement personnels » (article 458 du Code Civil). Il s’agit de la déclaration de naissance d’un enfant, de la reconnaissance d’un enfant ; des actes liés à l’autorité parentale ; la déclaration du choix ou du changement de nom d’un enfant ; le consentement donné à sa propre adoption ou à celle de son enfant.
Cette liste des actes strictement personnels, définie par la loi, peut sembler non-exhaustive.
On pourrait ajouter, par exemple, le choix de fréquenter telle ou telle personne, de disposer de son droit à l'image, de consentir à des soins.... Néanmoins, s'ils ne sont pas cités dans l'article 458 du Code Civil, c'est parce ces actes peuvent être remis en question s'ils portent atteinte aux intérêts de la personne protégée. Pour reprendre les exemples précités : être sous l'emprise d'une personne abusant de la faiblesse de la personne protégée, diffuser son image avec une remise en cause de son intégrité personnelle, consentir à des soins manifestement inappropriés...).
Mise en danger de la personne protégée et protection de sa personne
La mise en danger de la personne protégée peut autoriser le tuteur ou le curateur à agir sans son accord mais avec l'autorisation du juge des tutelles (article 459 du Code Civil), avec une dérogation en cas de danger imminent (par exemple, si une hospitalisation urgente est nécessaire).
Dans l'hypothèse où une atteinte à la dignité de la personne protégée est constatée, tant d'un point de vue psychologique que physique, le mandataire doit prendre les dispositions nécessaires pour y faire face, soit dans le cadre de l'assistance, soit dans celui de la représentation.
A ce sujet, vous pouvez vous référer à nos pages suivantes :
- la plainte pour abus de faiblesse
- la relation avec la personne protégée pour la protection de sa personne
- les droits de la personne majeure protégée
- la responsabilité civile et pénale des majeurs protégés
- le domaine de la santé et les majeurs protégés.
Les désaccords éventuels de la personne protégée pour la protection de sa personne
En cas de désaccord pour un acte réalisé (ou à réaliser) au titre de la protection de sa personne, le majeur protégé peut s'adresser au juge des tutelles. Celui-ci avise de la suite à donner pour rendre sa décision (soit par une réponse écrite, soit dans le cadre d'une audition afin d'entendre les parties en présence).
Aussi, et comme pour la protection des biens, il est important que le tuteur ou le curateur puissent justifier, à la fois, des actions menées (ou non-réalisées), ainsi que les modalités mises en œuvre pour délivrer à la personne protégée les informations nécessaires pour la protection de sa personne (article 457-1 du Code Civil). C’est également le cas en sauvegarde de justice (avec mandat spécial) et en habilitation familiale.
Sur le traitement des litiges, reportez-vous à nos paragraphes qui y sont consacrés pour chacune des mesures de protection, ceci à la fin de chacune de ces pages (sauvegarde de justice, curatelle, tutelle et habilitation familiale).
Incidences psychologiques de la protection de la personne pour une personne majeure protégée
Prenez en compte les aspects psychologiques vécues par une personne majeure protégée pour la protection de sa personne.
Qu’elle soit simplement conseillée ou qu’elle soit représentée, la personne protégée peut se sentir infantilisée si la posture de son mandataire n'est pas adaptée (que celui-ci agisse dans un cadre familial ou professionnel).
Pour en savoir davantage sur ce sujet, vous pouvez consulter notre page sur la relation avec la personne protégée pour la protection de sa personne.
Textes de référence
Sur les dispositions générales : articles 425 à 427 du Code Civil
Sur l'audition de la personne protégée : article 432 du Code Civil
Sur la protection de la personne : articles 457-1 à 459-2 du Code Civil
Sur l'examen d'une demande à être entendu par le juge des tutelles : article 1213 du Code de Procédure Civile
Nos pages internes
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